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seraient charmées si M. Keraudet ramenait une femme de ces pays là.

On était au milieu de l’été. Les grappes du sarrasin, encore en bouton et rosées, allaient épanouir le blanc calice de leurs petites fleurs, et déjà les abeilles tournaient en bourdonnant autour des champs parfumés, quand un beau jour on vit un grand mouvement se faire aux Planettes, et le bruit se répandit que le docteur était revenu.

Ce fut grand événement à la ville comme à la campagne, d’où les malades accoururent. Les propos, qui faute d’aliment s’étaient apaisés, recommencèrent. On examinait le docteur des pieds à la tête quand il passait dans la rue, et tout le monde reconnut qu’il avait maigri ; mais on lui trouvait en revanche le teint brun et l’air plus hardi, « plus suffisant, dirent les demoiselles, qui décidément le détestaient. Irait-il ou n’irait-il pas à la Ravine ? Telle fut la grande question qui pendant huit jours tint les esprits en suspens. Mlle Chaussat fit bonne garde, et le capitaine alla se promener sur tous les chemins qui pouvaient conduire à la Ravine, tout en jetant sur la campagne des regards vigilants et soupçonneux.

Au grand étonnement des curieux, ce fut le baron, ce père mécontent et farouche, qui vint le premier faire visite au jeune médecin.

— Êtes-vous guéri ? fut sa première question, après l’échange de poignées de main cordiales.

André Léo.

(La suite au prochain numéro.)