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Tout suivit à la Ravine le même train qu’auparavant, à l’exception du vide que laissaient dans les leçons du dimanche des cours faits autrefois par le docteur. Mme de Carzet se montra la même dans ses bontés pour les gens du pays et dans ses soins pour l’école d’adultes, qui prit même pendant l’hiver un plus grand développement. Les observateurs remarquèrent chez la jeune veuve une teinte de tristesse ; on assura que la fraîcheur de son teint avait subi une altération prononcée ; peut-être même, en dépit de sa ponctualité, de ses efforts dévoués, les écoliers sentirent l’absence d’une certaine chaleur émue, effet non de la volonté, mais de quelque autre foyer plus ardent. Mais cet alanguissement venait peut-être, ainsi que l’assurait la jeune femme, des rigueurs de l’hiver qui avaient succédé aux feux de l’été. Car maintenant les arbres étaient dépouillés, les champs mornes, et les grandes prairies qui s’étendent jusqu’à la Loire n’étaient plus qu’un miroir de glace, où dans les beaux jours, le soleil pâli réfléchissait ses rayons.

Tout l’hiver s’écoula sans que le docteur Émile reparût à Savenay. Mme Keraudet, à toutes les questions qui lui étaient faites, répondait que le jeune docteur avait depuis longtemps le projet de voyager. On vit à la poste des lettres timbrées d’Italie, puis d’Allemagne. « Il paraît qu’il faut aller loin pour oublier une parisienne, » disait-on dans les petites soirées de la bourgeoisie savenaisienne, et les demoiselles à marier affirmaient qu’elles