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sent et que le mouvement rend peut-être plus supportables.

Quelques heures après, le docteur Émile embrassait sa mère tout en larmes et prenait le train pour Paris.

On pense que ce départ subit donna lieu à de nombreux commentaires, au coin de la Grand’Rue et ailleurs. On se moquait âprement de ce pauvre docteur qui, après avoir eu le mauvais goût de préférer une étrangère aux jeunes beautés du pays, s’était vu trompé dans son ambition. On assura que la dernière visite du baron n’avait eu d’autre objet que d’adresser à M. Keraudet de vifs reproches et de lui interdire sa maison. On battit des mains à cette aventure, et mille quolibets, plus prompts que le train qui l’emportait, suivirent le jeune docteur dans sa fuite.

Le baron après avoir lu la lettre d’Émile, avait haussé les épaules et s’était mis à marcher de long en large de l’air le plus contrarié. Puis il avait tendu la lettre à sa fille, qui l’interrogeait du regard, et tout en continuant sa marche il ne cessa d’attacher sur elle un regard observateur. Il la vit pâlir ; elle garda la lettre dans ses mains plus longtemps qu’il n’était nécessaire pour une seule lecture, et la remit enfin sur la table sans dire un mot.

— Que penses-tu de cette décision ? demanda M. de Beaudroit.

— Il cherche à se consoler, et fait bien, dit-elle.

Sa voix était fort altérée : elle sortit au bout d’un instant, et le baron haussa les épaules plus que jamais.