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rance n’est point la vertu des jeunes gens de ce temps-ci. Je suis plus jeune que vous, moi, j’espère toujours. Lutter corps à corps avec la fortune, n’est-ce pas la vie ? Et c’est seulement ainsi qu’on gagne les places et qu’on emporte les batailles. Nous faisions ainsi autrefois. Mais il n’y a vraiment plus de jeunes que les gens de soixante ans.

Il laissa Émile ébranlé, prêt à se rattacher à l’espérance offerte. Mais déjà s’était répandue la nouvelle du rendez-vous surpris par Mlle Chaussat. Il n’était bruit à Savenay que de ce scandale. On répétait avec horreur que Mme de Carzet et le docteur Émile Keraudet se donnaient des rendez-vous dans la campagne, afin d’échapper à la surveillance du baron, qui voyait de mauvais œil les visites trop fréquentes du docteur. On qualifiait énergiquement la conduite de cette jeune femme, qui ne rougissait pas de rendre son enfant témoin de ses rendez-vous avec un amant. Une amie charitable vint en grande hâte instruire de tout cela Mme Keraudet. Celle-ci demanda des explications à son fils. Émile vit la réputation de Mme de Carzet compromise, et en fût au désespoir.

Il hésitait déjà vivement à commettre l’imprudence que lui conseillait le baron : car enfin, s’il échouait au bout d’une nouvelle attente, d’un nouvel espoir, il n’en serait probablement que plus misérable. Mais désormais c’était pour Mme de Carzet elle-même qu’il ne pouvait risquer une pareille épreuve. S’il continuait de la voir, le moindre hasard, pareil à celui de leur rencontre du jour précédent, fortifierait les