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femme ; puis l’image chérie disparut, et il se dit qu’il ne la verrait plus, que c’en était fait de ces charmants entretiens, de cette adoration du cœur et des yeux, où il s’absorbait près d’elle ; qu’il lui faudrait vivre loin, désormais de cette femme, qui s’en allait, emportant dans son cœur, sa vie, ses espoirs, ses élans, tout le meilleur de son être, tout ce qui le faisait grand, tout ce qui le rendait bon, tout ce qui eût pu le rendre heureux. Son courage l’abandonna ; il ne vit plus de la vie à ce moment que ses amertumes et ses faussetés, et se dit qu’il n’en voulait plus, qu’il ne la supporterait pas.

En vain autour de lui bourdonnait la fête des fleurs, des épanouissements de la terre. En vain le doux parfum du petit blé noir, son compatriote, essayait-il de lui rappeler les joies du foyer, les poésies de l’enfance et tous les intimes bonheurs oubliés ; il n’entendait ni le chant affairé de l’abeille parlant de production, de richesse et de travail, ni la note monotone et sceptique du grillon, qui semble railler au nom de l’éternité les choses passagères. Il souffrait âprement. Il souffrait, et toutes ces splendeurs qui, une heure auparavant, aux pieds de son Ève, lui semblaient l’Éden, lui paraissaient maintenant menteuses, funèbres, empoisonnées.

Après ses abattements, la douleur lui fit sentir ses aiguillons, et il voulut, vaine illusion des souffrants, fuir ce lieu où la désolation était tombée sur sa tête. Il marcha une heure au hasard sur les pentes, dans les taillis, se laissant aller parfois sur le sol, puis se