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— Pour ami ! pour ami ! répéta-t-il, c’est impossible ! Qui donc aimez-vous d’amour ?

— Personne ! s’écria-t-elle, étonnée d’un pareil soupçon. Oh ! non ; seulement, j’ai juré de rester fidèle à la mémoire de mon mari, et je tiendrai mon serment. J’ai à remplacer près de ma fille l’amour et les soins de son père, et je ne déserterai point cette tâche. Oh ! pourquoi m’aimez-vous ainsi ? J’étais si heureuse de vous connaître ! Et maintenant, il faudra ne plus nous voir.

Elle pleurait abondamment, et, si désolé que fût Émile, il reprit quelque espérance. Aussi osa-t-il insister, peindre avec feu son amour, représenter à cette jeune femme combien à son âge le vœu d’un perpétuel veuvage était insensé. Il eût presque dit coupable, et le pensait bien. Mais plus il était éloquent, pressant, plus Mme de Carzet semblait effrayée.

— Non, jamais ! disait-elle, jamais ! C’est impossible. Vous vous trompez. Mon devoir est de me consacrer à ma fille. Mais vous me causez un grand chagrin ! Je vous supplie de renoncer à cet amour, de vous consoler. Car je serais malheureuse, monsieur, oh ! bien malheureuse, de vous savoir malheureux à cause de moi !

Et voyant Marthe qui revenait vers eux, elle lui arracha ses mains, qu’il tenait, et, tout éplorée, courut au-devant de sa fille et l’entraîna, interdisant du geste à Émile de les suivre.

Émile resta quelque temps étourdi à la même place, regardant fuir dans le sentier la robe onduleuse de la jeune