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dont l’élaboration soit plus immense, plus emportée, plus complexe que celle de ce laboratoire des forces secrètes où de la fleur à la semence, des sucs aux racines, de la lumière aux tissus, de la cellule au type, de l’œuf à l’insecte, de la larve à l’être ailé, du simple au composé, du composé au simple, tout se meut sans trêve. Le silence n’est qu’un mot inventé pour couvrir décemment l’impuissance de nos perceptions. Penchez votre oreille et tendez votre attention, écoutez c’est le bruissement d’une Babylone, et vos yeux mêmes, si grossiers qu’ils soient, ne suffiraient pas à suivre tout ce qu’ils pourraient saisir. Ici des milliers d’individus marchent, glissent, volent, rampent, bourdonnent, chacun vers son but ; et parmi tant de petites feuilles, pas une qui n’ait fait une toilette différente de celle de ses sœurs, pas un brin de mousse qui n’ait ses malheurs ou ses joies particulières pas une graine tombée qui n’ait son attente et son avenir, pas un caillou qui n’ait choisi ses couleurs, pas un brin d’herbe qui n’ait son opinion préconçue. À l’heure où le jeune docteur s’abritait sous les genêts, toute cette fournaise de travaux, d’intérêts, de désirs et d’ambition recevait encore une activité plus dévorante par les émanations de la terre chauffée aux ardeurs du jour. Les genêts exhalaient leurs plus vifs arômes, et le gazon foulé répandait une douce odeur.

S’appuyant sur un coude, le jeune homme prit dans sa poche quelques journaux et les déplia ; mais son regard, bientôt vague, quittant la page