Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se mirent à suivre à petits pas la lisière du champ, le long de la haie, choisissant ça et là quelque feuille, brune ou empourprée. Marthe jouait avec le chien. Pour éviter un bond de son camarade, elle se jeta brusquement sur sa mère ; la main de celle-ci laissa échapper son bouquet et les feuilles se dispersèrent.

— Oh ! quel dommage ! s’écria la jeune femme avec l’accent du regret.

Émile et Marthe s’empressèrent de ramasser les feuilles éparses, et tandis qu’ils étaient occupés de ce soin et que le jeune chien, aux grands cris de la fillette, s’en mêlait aussi, Mme de Carzet se jeta, comme accablée, à l’ombre de la haie, sur l’herbe. Sa robe, gracieusement étendue autour d’elle, ne laissait passer que le bout de deux petits souliers gris qu’on eût pu croire dérobés à Marthe.

Elle arracha pensivement quelques mousses et se mit à les contempler. Bientôt, l’enfant vint jeter sur les genoux de sa mère une poignée de feuilles éclatantes ; Émile apporta le reste de la récolte, et Mme de Carzet recommença patiemment sa fantaisiste récréation.

Sous les rayons du grand décorateur de ce monde, il y a des heures où tout apparaît plus grand, plus pur et plus idéal, de même que dans la vie, à certains jours, d’autres foyers de chaleur transfigurent et embrasent toutes choses.

André Léo.

(La suite au prochain numéro.)