Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blanche et modeste, au parfum sauvage et doux, qu’entourent de leurs bourdonnements les abeilles.

Ce pauvre toutefois a son luxe. Il participe aux trésors dont la nature comble les petites mousses aussi bien que les grands chênes, et sur ses feuilles viennent se déposer successivement toutes les nuances de l’automne, du vert tendre au jaune le plus vif, du brun le plus sombre au rouge ardent. C’est de la floraison à la maturité que cette richesse de tous se déploie ; après que des sucs d’un sol granitique, et des baisers du soleil, la fleur a pétri son fruit, c’est alors que la feuille arbore les plus vives couleurs et que la tige se teint de pourpre, comme pour la fête de l’œuvre accomplie. Bientôt la moisson a lieu, et le blé noir, lié en javelles, arc-boutées deux à deux, reste exposé sur le champ pour sécher opération souvent longue et difficile ; car c’est généralement en septembre, saison ingrate, que le sarrasin arrive à maturité. Pendant tout le temps du séchage, ces gerbes aux tons chauds et rougeâtres, qui, alignées comme de petites tentes, couvrent les champs, font dans le paysage l’effet le plus pittoresque.

Émile passait au milieu de ces champs fleuris, le cœur plein de son amour et roulant en son esprit la solution du problème d’où sa destinée dépendait. Bien des craintes l’agitaient ; mais le ciel était si splendide, tout ce qui l’entourait était si fécond, si pur, si impuissant, et respirait tant de vie, que l’air chaud et embaumé, tout en remplissant sa poitrine, lui portait en