qui, par d’assez longs détours, lui faisait éviter la ville. Ce n’était pas la première fois qu’il usait de ce subterfuge. L’inquisition établie par les deux voisins à l’égard de ses faits et gestes lui était devenue insupportable. Il avait vainement essayé de la déjouer ; il avait eu beau passer d’un pas rapide et furtif, raser l’une ou l’autre des maisons, ou se tenir au milieu du chemin, à la plus grande distance de chacune d’elles, il n’échappait à Charybde que pour tomber dans Scylla ; et toujours quelque interprétation effrontée ou quelque insinuation perfide l’atteignait.
Ce jour-là surtout il se fit un plaisir, quelque peu superstitieux, d’échapper à leur surveillance, et se lança dans la campagne en tournant le bourg.
On était à la fin d’août. Les froments déjà coupés, ne laissaient à quelques guérets qu’une rude enveloppe de chaume, tandis que le sarrasin, tout en fleurs, couvrait les plateaux de ses nappes blanches. Cette céréale est en Bretagne l’aliment national et populaire, comme sont en Orient, le riz, en Italie la polenta, en Limousin la châtaigne. C’est la joie de l’âtre pauvre et affamé, le soir, quand sur un feu de genêts la galettoire se balance, et cuit, sans four ni boulanger, le pain quotidien. Ce petit blé lui-même, dans sa physionomie comme dans ses habitudes, est éminemment populaire. Bas de tige, maigrelet, tenaces ses racines, amies des sols pierreux et légers, se contentent de peu et n’en produisent pas moins des grains abondants, noirâtres, triangulaires, nés d’une fleur