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faire souche de gentilshommes, pour plaire à ce démocrate baron ! »

Mais son cœur couvrait tous ces railleries d’un grand cri de joie. « Il me l’accorde, se disait-il ; et maintenant mon sort dépend d’elle seule. » À cette pensée, l’angoisse le reprenait ; mais un élan d’amour lui rendait un peu de confiance. Il l’aimait tant ! Cette immense force d’amour qu’il sentait en lui était à ses yeux le seul trésor, la seule puissance qui pût compenser son indignité vis-à-vis des perfections et des charmes de son idole ; mais devinerait-elle combien elle était aimée ?


IV.

Depuis quelque temps, les deux gardiens du passage, Mlle Chaussat et le capitaine Montchablond, n’y comprenaient rien ; ils ne voyaient plus passer le docteur se rendant à la Ravine. Est-ce qu’il n’y allait plus ?

C’était chose à savoir ; car sans doute il y avait là-dessous quelque bonne histoire, probablement une déclaration suivie d’un refus, et c’était bien fait ; et Mlle Chaussat s’en frottait les mains. Avant de l’affirmer, toutefois, mieux valait en être sûr. Mlle Chaussat se mit en quête.

Émile partait, le cœur plein de trouble, de crainte et d’espoir, pour aller adresser à Mme de Carzet cette question redoutable de laquelle, — il le croyait du moins — dépendait sa vie, quand, au moment de s’engager dans la Grand’Rue, qui devait le conduire sous les fenêtres de Mlle Chaussat et du capitaine, il rebroussa chemin brusquement et prit au milieu des champs un sentier