la réalité ? N’y a-t-il pas beaucoup de femmes qui, loin d’éprouver de la part de leurs maris cette complaisance protectrice dont vous parlez, sont délaissées et trahies ? Elles ont donc, celles-là, tout perdu, puisque, privées de droit légal, elles n’ont plus rien à attendre que du caprice de l’indifférent ou du despotisme de l’ennemi.
« Dans cette situation, qui, au dire des propres satires du monde sur lui-même, est fréquente, la femme n’a pas même cette consolation de la maternité à laquelle on la renvoie sans cesse, mais qu’en réalité la loi lui refuse, puisqu’elle confie au père seul le droit de diriger l’éducation des enfants, d’en disposer à son gré, de fixer leur carrière, de les marier enfin, n’accordant à la mère, en cette occasion, que la faculté dérisoire d’un consentement, dont au besoin on se passe… Non, monsieur Germain, le principe de l’absolutisme, s’il n’est pas bon dans l’État, n’est pas meilleur dans le mariage, car partout où existe l’arbitraire existe l’abus.
« Remettre les destinées de la femme à la tendresse et à la générosité de l’homme est une naïveté toute pareille à celle de remettre un peuple aux soins paternels de son souverain. Cette folie, à laquelle toutes les nations se refusent désormais et se refuseront de plus en plus, les femmes la commettront-elles longtemps encore ? Pour moi, je vous l’ai dit : ma confiance en vous est grande, mais ma liberté frémit, et je sens que pour affronter de telles conditions il faudrait avoir atteint les dernières limites de l’amour et de la confiance, ou, mieux encore, être assuré d’une conformité presque parfaite de caractère et d’idées. Voilà pourquoi je demande du temps, et