« Croyez-moi bien, chère… chère Aline, dit-il en se rasseyant près d’elle et en lui prenant la main, ce rêve de l’égalité des sexes est impossible. Il entraînerait dans sa réalisation des conséquences que votre chaste pensée ne soupçonne pas. Aussi ne le voit-on soutenu dans le monde que par des rêveurs à l’esprit faux, ou par quelques viragos fort peu respectables.
« Un tel système saperait les bases de la famille, où, pour que l’ordre existe, il faut nécessairement un chef. Et cependant l’égalité, sachez-le bien, se rétablit d’elle-même dans le mariage par la distribution des rôles et des aptitudes. Si l’homme, en toute question, a droit au dernier mot, le plus souvent c’est la femme qui le lui souffle. Elle domine par la persuasion, par le sentiment, par son obéissance même, par la force toute-puissante de sa faiblesse. Elle fait bien plus que de commander, elle charme, elle séduit ; et si l’homme est pour elle un guide et un protecteur dans la vie, elle est son inspiratrice et son idéal.
— S’il en est ainsi, dit Aline en levant sur son fiancé un regard sincère, un peu surpris, pourquoi nier ce droit que la nature donne à la femme — et ne peut manquer de lui donner en effet — d’intervenir puissamment dans la vie humaine ? Pourquoi instituer un ordre factice à côté de l’ordre réel ?
— Je vous l’ai dit la nécessité d’un chef pour une direction commune. »
La jeune fille sourit :
« Je vous croyais libéral, monsieur Larrey ?
— Certainement… Je ne suis pas de ces esprits qui réagissent follement contre les aspirations et les