Aline, pâle et les yeux rougis, le front sombre, le regard fixe, toute frémissante, semblait contempler le tableau terrible que sa sœur venait de lui présenter. Deux heures sonnèrent. Les yeux de Mme de Chabreuil s’attachèrent sur la jeune fille avec une profonde expression de tendresse et de pitié.
« Je t’ai bien fatiguée, chère enfant, dit-elle. Va prendre un peu de repos, ou du moins t’étendre sur ton lit.
— Tu me parles de repos, répondit Aline, et le trouble vient d’entrer en moi pour toujours ! Accorde-moi du moins une satisfaction qui m’apaise ; laisse-moi te sauver, toi et ton enfant. Mon dévouement y parviendra. Oui, même, si tu l’exiges, à l’insu de mon père. J’essayerai… Je réussirai, j’en suis sûre ! Nous partirons pour un grand voyage, et tu choisiras, — ou de revenir ici reprendre ta place près de Gaëtan, ou de fuir à jamais la France et la maison de M. de Chabreuil, si tu préfères les joies d’une vraie maternité dans l’exil. Moi, ma sœur, quel que soit ton choix, j’adopte le délaissé.
— Ô chère et courageuse fille ! s’écria la marquise en entourant sa sœur de ses bras, que je te voudrais heureuse ! Pourquoi ne puis-je que te montrer la voie où tu souffriras le moins ?
— Laisse-moi ne penser qu’à toi, reprit Mlle de Maurignan. En ce qui me concerne, j’éprouve un grand trouble, une confusion douloureuse, immense ; mais pour toi, un malheur certain, hélas ! t’a frappée. Ne nous occupons que de toi. »
Alors, elle exposa les pensées les plus réalisables qui venaient de lui traverser l’esprit ; et d’une voix à laquelle, au milieu de telles préoccupations, un