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dans l’ordre moral des déserts où l’on meurt faute d’aliment ?

— Tu veux mourir ! cria Mlle de Maurignan, frappée tout à coup de cette crainte.

— Je suis morte ! » murmura doucement, avec un sourire funèbre, la jeune femme, qui, enlaçant d’un bras la taille de sa sœur, la fit asseoir près d’elle sur l’ottomane, au fond de la chambre.

Aline, alors, se jetant sur le sein de Mme de Chabreuil, éclata en sanglots, mêlés de ces paroles entrecoupées :

« Ô ma sœur ! ton malheur est grand ! Mon cœur en est rempli d’épouvante… et de pitié ! Mais… espère encore. D’autres joies… Suzanne, moi, je t’aime, et je voudrais pouvoir partager avec toi mes espérances et ma force !

— Aline, comprends-tu ? Lui, dont j’avais fait un demi-dieu, grand à me faire mépriser la terre, à me remplacer le ciel !… lui que j’aimais de toutes les intimités, de toutes les tendresses de mon être, quand je viens à lui, après une lutte cruelle entre deux maternités rivales, après lui avoir immolé mon fils aîné… et que, pour ne point altérer sa joie, refoulant ma tristesse, mes remords… émue du bonheur qu’il va ressentir, pénétrée de la puissance de ce nouveau lien… »

Elle voulait achever ; mais, seul, un son rauque sortit de sa gorge ; un spasme de douleur la saisit et la renversa en arrière, muette, mais navrante d’attitude et de regard. Aline, sous son front pur, eut un regard terrible.

« Ma sœur, dis-moi le nom de cet homme.

— Qu’en feras-tu ?