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« Mon fils atteignit ses huit ans. Occupée de lui pendant tous les instants que je pouvais dérober au monde, je cherchais en lui l’être que j’y rêvais. Mais j’éprouvais à cet égard une désillusion nouvelle et qu’il me fallut chaque jour m’avouer plus nettement cet enfant, dont je voulais faire un héros, montrait une nature mobile, impressionnable, tendre quelquefois, mais le plus souvent égoïste. Aucune des qualités principales que je désirais trouver en lui, — cette probité surtout de la conscience, nécessaire pour réagir contre l’opinion, ne se montrait native dans ce caractère naïvement personnel.

« Folle que j’étais ! En pouvait-il être différemment ? Comment avais-je pu rêver dans le fils du marquis de Chabreuil, dans ce fruit d’une telle union, un être pur, héroïque, sincère ? Le pauvre cher enfant pouvait être fortifié par une éducation ferme et saine ; mais lui demander plus était inutile.

« Je repris donc un courage nouveau, plus dévoué encore, mais plus triste. Gaëtan, du moins, était fort intelligent ; il saisissait vivement les rapports des choses ; le vrai, le juste, sont mathématique aussi bien que sentiment.

« Oui. Mais connaître n’est pas vouloir. L’intelligence humaine n’est pas un flambeau qui rayonne de tous côtés elle se projette surtout dans une direction donnée ; et combien, au temps où nous sommes, prouvent qu’il ne suffit pas d’être intelligent pour être juste, et que tout dépend du mobile : conscience ou intérêt.

« Enfin, je me vouais avec amour, avec ardeur,