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j’élevais dans mes bras me suffisaient alors ; après tant de contrainte, l’abandon de mon mari m’était une joie, et je me sentais renaître avec l’enfant.

« Peu à peu, cependant, je sentis qu’un enfant ne peut remplir toute la vie et qu’à côté de l’amour maternel, fût-il immense, il reste une place vide dans le cœur de celle qui n’a point aimé. Mais je le sentais presque sans désir et me gardais de toute recherche.

« Trompée si cruellement par l’ignorance où l’on m’avait retenue, mon esprit désormais s’était appliqué d’autant plus activement à bien voir. L’âpreté de ma désillusion avait rendu ma vue plus perçante et mes jugements plus décidés. J’avais des hommes en général une défiance profonde, un puissant dédain. Je ne pus cependant refuser mon estime à certains d’entre eux, doués de qualités éminentes, qui voulurent bien rechercher ma société. Ils se dirent mes amis. Ah ! mon enfant, quelle énorme réticence contient cette déclaration d’amitié d’un homme pour une femme, quand cette femme a quelque jeunesse et quelque beauté ! Je les perdis successivement, et leur affection mensongère ne m’apporta quelques douceurs que pour me faire sentir plus amèrement l’absence de cet épanouissement suprême du cœur, vaine promesse de l’amitié, que l’amour seul s’offrait à remplir.

« J’y renonçais, à l’amour, et cependant j’y croyais encore au fond de l’âme, tout en me disant qu’il était peut-être sans objet possible sur cette terre. Et quand l’exception eût existé, que m’importait ? Je n’étais pas libre. Ce bonheur n’eût été pour moi qu’un malheur. J’en écartais ma pensée.