dont mon esprit considérait le revers, je tombai dans une absorbante rêverie.
J’en fus tiré par l’opacité d’un corps qui vint rompre mon rayon visuel, et presque aussitôt l’éclat de deux voix frappa mon oreille. Quelqu’un abordait mon plus proche voisin.
« Je ne me trompe pas, c’est bien à monsieur Léon Blondel que j’ai l’honneur…
— Oui, monsieur ; et bien que je n’aie eu le plaisir de vous rencontrer qu’une seule fois, je vous reconnais à merveille, vous êtes monsieur le vicomte Gaëtan de…
— De Chabreuil. Nous nous sommes vus chez Me Scudi. Je vous connaissais déjà, monsieur ; je suis un des lecteurs les plus assidus du Sport et du Canard illustré, et j’ai été heureux de reconnaître — pardonnez-moi ma franchise — que l’intérêt de votre conversation ne le cédait point à l’esprit de votre plume. »
— Le journaliste s’inclina, visiblement flatté. Ils parlèrent de la dernière pièce, dont ils dirent un mot, et mille sur les actrices, et surtout sur une comparse qui avait des jambes !… ils dépassèrent le genou. Puis, le vicomte revint à une actrice des seconds rôles, pour laquelle il demanda un éloge pompeux dans le prochain numéro du Canard, et il finit par glisser une note au journaliste, où le compte des qualités de la demoiselle était augmenté de la mention de ses mérites secrets.
Tout cela épicé de gais propos qui ne laissaient aucun doute sur l’intérêt du vicomte dans cette affaire. Je regardai ce jeune homme : il semblait avoir vingt-deux ans à peine ; il était blond, délicat ; ses