s’immoler à son avenir[1]. » Il a raison. Si peu de succès qu’obtienne notre entreprise, elle aura son utilité. Je suis tranquille ; je serais presque joyeux, sans l’amer souci de ta douleur.
« Car je te l’avoue, chère aimée, je n’espère point la victoire. Nos proues sont tournées vers l’Achéron de Virgile, et le dieu des enfers, qui règne à Parthénope, a les bases de son empire trop solidement assises sur l’ignorance des ombres humaines qui peuplent ses États… Le peuple fuira, comme toujours, ses libérateurs. Une partie de ce peuple armé viendra nous combattre avec fureur au nom de son maître… C’est toujours ainsi !
« On nous blâmera ; nous serons traités d’insensés. Toi-même, que penseras-tu ? Cependant, sois-en sûre, il est, pour arriver au but, d’autres chemins que ceux de la prudence. Le silence est consentement, dit-on n’est-il pas bon de le rompre, ce silence du monde entier, qui semble consacrer la tyrannie, partout restaurée ? Le bruit de notre protestation réveillera ceux qui sommeillent ; il prouvera que l’Italie n’est pas morte. Resterions-nous seuls, nous aurons du moins satisfait notre propre honneur ; nous aurons allumé un flambeau de plus sur la voie qui mène à cette grande patrie, dont jusqu’ici nos rêves seuls ont tracé les divins contours, mais qui sera peu à peu créée de toutes pièces, vrai paradis vivant et libre de l’humanité sans maîtres.
« Toi seule es mon doute, mon regret, mon remords cruel. De moment en moment, ta pensée
- ↑ Propres paroles de Pisacane, tirées de son testament.