croyait pouvoir l’être sans danger. Elle semblait parfois céder sa volonté même, et désirer avec lui ce qu’il rêvait. Malgré tout, Paul sentait sur ce point quelque chose de sourd, de fatal, d’inexorable peut-être, qui le dominait, ou plutôt qui les dominait tous deux. C’était une furtive rougeur à certains mots, un silence, un pli de la lèvre, une terreur qui traversait le regard, une glace invisible qui tout à coup se faisait sentir.
La présence de cette belle jeune fille avait par degrés presque effacé l’image d’Ali de Maurion, ce frère chéri, pour y substituer, dans toute sa force, l’influence de la femme aimée. De plus en plus ce charme pénétrait Paul, et souvent, avec des frémissements de cœur, il se disait que jamais amour ne pouvait être plus complet. Il y sentait par des liens indissolubles toute sa vie attachée. À considérer tous les motifs qu’il avait de croire en elle, de l’aimer, de l’admirer… éperdu, il eût désiré posséder de nouvelles puissances d’aimer. Il ne pouvait s’empêcher de se prosterner devant elle comme devant la plus pure et la plus charmante incarnation de la bonté, de l’intelligence, de l’idéal ; à ses yeux, le charme qui s’épanchait d’elle, de tous ses mouvements et de toutes ses paroles, était infini, sans pareil au monde, et quand il la voyait fâchée, presque affligée de cette idolâtrie, il n’y pouvait et n’y voulait rien, que d’en contenir, par égard pour elle, l’expression. Il espérait et désespérait tour à tour avec une passion de plus en plus vive.
En vain essayait-il parfois de conformer son désir à celui d’Aline, de suspendre à un peut-être sa plus chère volonté, de soumettre à une attente indéfinie