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altérée, et qui, sérieux, ébouriffés, de leurs yeux noirs arrondis, regardaient passer la dame et le monsieur, êtres étranges, dont la vue les pétrifiait. Souvent Aline et son ami, s’arrêtant près de ces petits sauvages, riaient du grave émoi de leurs figures enfantines, et s’efforçaient de les faire causer, n’y parvenant qu’à grand’peine.

Mais, la confiance une fois gagnée, le babil devenait abondant, presque intarissable, et l’on apprenait de la sorte bien des choses sur ces existences resserrées de tous côtés par la misère et par l’ignorance, où le berceau même de l’enfant est dur, et trop souvent solitaire. Aline, en touchant ces petites mains rouges, ces bras potelés, en considérant ces fronts naïfs, songeait aux tortures qu’inflige à l’enfant, et surtout à celui-ci, né plus directement de l’air et du sol, l’étude abstraite, sèche, aride, l’étude du chiffre et du mot, dans une salle fermée, sur des bancs mornes ; elle songeait aux moyens d’attirer l’enfant vers la science par la curiosité, si vive chez lui, et mûrissait le plan d’un jardin-école dans la donnée de Frobel.

Ces projets, qui les remplissaient tous deux de la sainte ivresse des nobles créations, voilaient, mais en la laissant transparaître sans cesse, la question personnelle qui les agitait. Si ardents fussent-ils de bien faire, une autre émotion donnait à celle-là plus de charme et d’intensité. Ils portaient partout avec eux l’amour, comme une atmosphère enivrante et lumineuse, qui transfigurait tout à leurs yeux, leur rendait l’espoir plus certain, la nature plus belle, et gonflait leurs cours de tendresses inexprimables.

Bien que Paolo se fût imposé la loi de respecter