surde contradiction. C’est grâce à cette fausse division de toutes choses que l’esprit humain s’est attaché à saisir les différences plus que les rapports, les a creusées, déterminées, augmentées, créées au besoin. C’est grâce à cet esprit que l’homme et la femme, faits pour s’unir le plus fortement, pour vivre d’une seule et même vie, ont été fourvoyés en divers chemins. À force d’exagérer dans l’amour la différence, on a tué l’amour. Il n’est plus que le point unique où se rencontrent deux sexes ou deux intérêts ; mais en dehors de ce point nulle fusion possible, deux oppositions soigneusement préparées, deux êtres si divergents de vues, d’habitudes, et en apparence d’intérêts, que rien n’est plus impossible entre eux que cette unité, à laquelle les destinait la nature, et que tout en eux réclame. De là ce drame de l’amour, ce puissant martyrologe qu’ont chanté les Tasso, les Goethe, les Staël, les Prévost, ou le rire, plus triste encore, des Anacéron et des Parny…
Je te dis tout cela… Que te dire de nous-mêmes ?… Je donnerais tout autre bien de ce monde pour que nous eussions été élevés l’un près de l’autre dans la solitude. Mais ce désir est vain. Eh bien ! attends ; espérons. Et surtout, Paolo, rappelle-toi cette union si pure, si complète, que nous goûtions là-haut ; cette expansion incessante qui était le bonheur même, et qui était bien aussi l’amour. Etre ensemble nous était alors une joie toujours sentie, toujours vive, au sein d’un calme si profond et si délicieux !… Rappelle-toi la limpidité de ces regards, qui suffisaient souvent à l’échange de nos pensées. Crois-tu, mon Paolo, qu’il puisse exister un bonheur plus vif que celui que nous goûtions dans notre chalet, au coin de l’â-