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celui de le voir heureux, et pourtant… je ne puis encore m’empêcher de déplorer le jour où tu découvris que j’étais femme, et je pleure amèrement notre grand amour à jamais perdu. Je sais que mon sentiment te paraîtra faux, bizarre ; il n’est que trop réel.

Partis de points différents, il nous est difficile à cet égard de nous bien comprendre. Toi, de bonne heure mêlé au monde, habitué à ses mœurs, l’amour, quoi qu’on en ait fait, te passionne ; il te paraît le charme le plus puissant de la vie ; il est resté, malgré tout, ton idéal. Moi, devant la réalité mon rêve a fui, et cette passion, qui m’est apparue sous les traits de la débauche, me fait horreur. Je sais, je sens bien que je manque ici de froide raison, qu’à des conditions nécessaires il est fou de s’opposer, qu’accepter, en les respectant, les lois de sa propre nature, est le devoir d’un être intelligent… Mais, que veux tu ? dans un monde où l’orgie règne, tout équilibre est rompu ; l’excès y produit l’excès. Une réaction trop puissante s’est faite en moi ; l’épouvante et l’horreur m’ont donné des ailes, et j’ai fui… trop loin… Ces spectacles m’ont pénétrée d’une indignation farouche, de répugnances invincibles, et mon orgueil est devenu un ressort puissant, qui, sans prendre même conseil de ma volonté, me soulève… et que je ne puis ni ne veux briser.

La séparation de l’âme et du corps, cette doctrine si vieille, que le christianisme a exagérée, est le plus mortel des poisons qu’ait essayés sur elle-même l’humanité. En rompant l’unité dans l’amour comme dans la vie, elle fit naître la débauche, créa partout l’opposition, l’antithèse, l’immorale autant qu’ab-