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dente. Au bonheur tu as joint les délices, et trouvé en toi une puissance nouvelle pour devenir, en même temps que mon bien le plus sûr, mon aspiration.

Ne vois-tu pas que notre union serait l’idéal le plus splendide de l’amour ? Dans l’union vulgaire actuelle, l’homme et la femme, tout pétris de différences, presque étrangers l’un à l’autre, et dont l’amour n’a guère d’autre saveur que l’attrait des sens, — ils savent d’avance, par l’expérience d’autrui, que leurs joies seront fugitives, et peut-être suivies de regrets. Mais nous, mon Aline, déjà liés par les affinités les plus profondes, les plus éprouvées, frères autant qu’amants, sûrs l’un de l’autre comme de nous-mêmes, l’amour est pour nous le feu divin qui ne peut s’éteindre et qui doit, sans se consumer, pénétrer notre vie entière de sa chaleur et de ses clartés.

Ah ! l’oubli ! l’oubli !… je te le demande pour tout ce qui est tombé dans un passé disparu, mille fois abjuré, qui n’existe plus en moi. Suis-je encore l’homme d’autrefois ? Tu ne peux le croire. En regardant en arrière, je me vois moi-même sans me reconnaître, ne pouvant plus me comprendre. Je t’en conjure, ne me force plus à détourner les yeux de toi, ma lumière et ma pureté, pour les reporter sur ce passé trouble et infâme. Que veux-tu ? Ordonne-moi des choses possibles : je ne puis vivre sans ton amour !

Hier, après l’heure du courrier, je suis parti pour le Salève. Ma solitude me rend fou ; la tête me tourne ; cette tension vers toi, trop vaine, hélas ! me dévore. Le monde parfois prend à mes yeux des aspects bizarres. En le voyant du haut de la montagne si pe-