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vif la verdure nouvelle, il ne voyait de tout ce qui l’entourait que ce cavalier gracieux en qui pour lui, maintenant, la femme perçait de toutes parts, et qui, nonchalamment ployé sur sa monture, tantôt regardant le ciel et la montagne, tantôt son ami, semblait aspirer et fondre dans son regard toutes ces harmonies, pour en composer la plus humaine et la plus puissante, l’amour ; amour pur, calme et bleu comme le ciel de la montagne, et qui, tout en remplissant d’âpres délices le cœur du jeune homme, le faisait rêver d’éternité.

Arrivés sur le plateau d’Anzeindaz, ils laissèrent à Favre la garde du cheval, et pénétrèrent dans le chalet où s’était exhalé le dernier souffle de M. de Maurignan. Sauf les ustensiles enlevés par l’armailli, toutes choses étaient les mêmes : le lit grossier sur lequel on avait couché le mourant était là près du foyer ; la plupart des objets qu’avaient touchés ses derniers regards étaient encore en ce lieu ; cette chambre, asile des dernières pensées, était la vraie tombe.

Paul avait craint pour sa compagne une émotion trop vive ; mais en la voyant ferme sous sa pâleur, il dit à demi-voix :

« Veux-tu rester seule ?

— Sans doute, répondit-elle vivement, seule avec toi. »

Heureux de cette parole, il reprit bientôt :

« Laisse-moi te dire le souvenir qui me remplit ici tout entier : ce dernier regard de ton père, dont je ne compris pas alors tout le sens, et par lequel il nous fiança l’un à l’autre…

— Je le vois aussi, murmura-t-elle.