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gissaient des plantes nouvelles. Déjà les crocus ouvraient leurs calices ; la primevère s’étalait sur les gazons, et les longs rubans du narcisse se renversaient, afin de livrer passage à la fleur parfumée qui grossissait au bout de sa hampe.

Les deux amis jouissaient avec enthousiasme des poésies de cette renaissance ; Ali surtout semblait les goûter avec cette mélancolique avidité qu’inspirent les joies passagères. Ils n’habitaient plus guère le chalet et vivaient dehors, en des excursions sans but arrêté d’avance, mais si entraînantes qu’elles absorbaient la journée entière. Chaque jour variait le décor et, si préparés qu’ils fussent, les jetait en des surprises, en des admirations nouvelles ; car nulle part la fécondité de la nature ne se déploie avec plus de puissance et de splendeur que dans ces contrées alpestres.

Un jour que, tout enivrés de leur course, ils redescendaient au chalet, Ali, courant sur la pente sans regarder à ses pieds, heurta une pointe de roche et tomba sur le gazon. Paul s’approchait de lui d’un air moqueur, mais il le vit pâle.

« Qu’as-tu donc ? Est-ce une entorse ?

— Je le crains, car la douleur a été très-vive. »

En même temps, Ali essaya de se relever ; mais il pâlit de nouveau et se laissa retomber, en s’efforçant de sourire.

Non loin d’eux était une de ces rainures verticales de la montagne que les bûcherons appellent des coulées et qui leur servent à faire descendre dans la vallée les troncs des sapins. Cette coulée, pour le moment, servait de canal aux neiges supérieures ; elles s’y épanchaient en une chute limpide,