rayons du soleil doraient les hauteurs de la montagne ; le col était dans l’ombre, ainsi que la vallée, et le vent du soir secouait en pluie fine sur leur passage la neige des sapins. Guéri subitement de sa fatigue et de ses souffrances, Paul marchait joyeux. Ali, silencieux et morne, s’appuyait sur le bras de son ami.
Il n’avait pas dit une parole, ce bon Favre, tant qu’avait duré la retraite, car il fallait se hâter ; mais quand on eut passé le seuil du chalet, que dans l’âtre, déjà brûlant, flamba un splendide feu de sapin, après avoir chauffé les lits, et tandis que la bouilloire faisait entendre son chant, de plus en plus grave, Favre épancha contre la conduite des deux imprudents tout ce qu’il avait amassé de ressentiment et de blâme, leur déclarant que si pareille folie se renouvelait, il reprendrait immédiatement après les avoir sauvés, bien entendu, si la chose était possible — le chemin de Grion, laissant à d’autres le soin de faire constater leur mort.
« Vous n’aviez donc pas vu, s’écria-t-il, que le dégel a commencé ? Les brouillards de ce matin auraient dû pourtant vous le faire comprendre. N’avez-vous pas senti la neige mollir sous vos pieds ? Et vous vous en allez tout de même comme ça, les mains dans vos poches, sans me rien dire, comme si la neige ne devait jamais finir. Si les gens d’esprit font des choses pareilles, à quoi ça sert-il de n’être pas sot ? Non, jamais je ne me serais pensé de vous aller chercher sur la montagne en un pareil jour, et pourtant je suis sorti pour aller à votre rencontre, et, voyant vos traces toutes fraîches sur le mont, je les ai suivies, ma foi ! de bien mauvaise