Tu es si bon et si tendre, mon Paolo !… Mais il y a de ces choses fatales qui flétrissent à jamais et tuent le bonheur… Oui, je bénis la mort ! c’est l’oubli ; c’est le rajeunissement de l’être, lavé de toutes les souillures que cette vie infâme dépose sur nous… C’est l’épuration peut-être sous forme ailée de cette rampante humanité… Oh ! je ne sais rien ! mais je crois en la justice et je t’aime !… Et ma vie, faite de ce double amour, ne peut m’être rendue sans te rendre à moi… Boire l’oubli ! et te retrouver, ô mon Paolo !… Tu dis bien : l’amour est l’Océan sans bornes des joies supérieures, et non la mare trouble et fétide où tant d’êtres s’abreuvent ici. Je t’aime, Paolo ! je t’aime ! Dis-moi que tu m’aimais ! Et endormons-nous pour ce grand réveil ! »
Toutes ces paroles, entrecoupées de soupirs, d’étreintes, de sourires divins, de gestes doux ou puissants, et ces longs regards qui brillaient au travers des larmes, plongeaient Paolo dans un trouble où sa raison flottait éperdue, hésitante, rejetant d’étranges idées qui passaient. Il contemplait, fasciné, ces yeux magnifiques, ces joues pâles ; l’haleine brûlante de ces lèvres vives l’enivrait comme le souffle d’une pythie ; le battement précipité de ce cœur sur le sien le faisait défaillir… et tout en murmurant « Quel délire ! ô mon frère adoré ! ô mon cher enfant ! » il se sentait lui-même brûlé d’une fièvre qui l’hallucinait ; et, pressant Ali dans ses bras, en lui répondant : « Je t’aime !… » il couvrait de baisers brûlants son front pâle et ses doux cheveux épars.
Les heures s’étaient écoulées ; le jour déclinait. Au fond de ce puits de neige, couverts de vêtements