Armé du couteau qu’il portait sur lui dans ses courses, Paul tailla, tantôt dans la neige, tantôt dans le roc, une suite de marches, ou d’aspérités, grâce auxquelles il put s’élever jusqu’aux deux tiers environ de la hauteur des parois ; mais arrivé là, où leur courbe devenait plus forte et presque aussi abaissée que celle d’une voûte, il eut beau tourner, enfoncer désespérément ses bras dans la neige, chercher, pour s’y cramponner, des aspérités, il retomba toujours. Pendant plus de deux heures ses forces et celles d’Ali se consumèrent vainement dans ces tentatives.
L’idée leur vint ensuite d’amonceler la neige en un bloc pyramidal et de s’élever ainsi jusqu’à l’orifice, au delà duquel une grande lumière, un pan neigeux lointain, leur faisaient pressentir l’espace. Ils atteignirent ainsi une hauteur d’une douzaine de pieds, après quoi la neige manqua. Alors, ils se regardèrent avec une sombre tristesse. Paul, s’adossant contre une des parois de ce lieu, qu’il jugeait être leur tombe, entoura son jeune ami de ses bras et pencha sur lui son front morne. Mais dans cet abattement, dans cette douleur, il rencontra, pareil au rayon dans les ténèbres, le sourire d’Ali.
« Ne sois pas triste ainsi, mon Paolo, nous allons mourir ensemble. Nous ne serons point séparés.
— Tu crois à une autre vie ? demanda Paolo, mêlant au regard enthousiaste de son compagnon un regard tendre et rêveur.
— Il n’y a pas de mort ! c’est une vaine parole, effroi des hommes. La vie seule existe, partout et toujours. Et seul, l’être-pensée, la suprême puissance de ce monde et la plus pure, serait excepté