foi servent de palais à l’hypocrisie, de hangar aux attardés ; l’homme cherche, en tâtonnant, son chemin, et, sur le seuil de ses royaumes, nous demandons à l’inconnu, debout et sans nous courber : « Qui es-tu ? » L’esprit est plus libre ; mais la conscience ? Valons-nous plus ou moins ?
— Plus, dit Ali.
— Pourquoi ?
— Parce que le faux n’est jamais le bien. Les dieux formulés sont-ils jamais autre chose que des monarques ?
— Et les plus dangereux de tous, car ils immobilisent l’idéal. Cependant, mon Ali, tu as beau dire, je te connais un dieu formulé. »
Le jeune homme sourit.
« Celui-ci n’est pas dangereux, Paolo. Sans mystères, clair et simple comme une formule mathématique, divin par son but, humain par sa réalité, le dieu-justice n’a pas de prêtres et n’exige pas de sacrifices inhumains. Vrai rédempteur, vrai fils de l’homme, né de sa raison et de ses entrailles, il est au milieu de nous, accessible à tous ; il ne délaisse point la terre pour le ciel, et, progressif comme nous-mêmes, non-seulement en esprit, mais en vérité, il ne nous vend point, au prix de longs siècles de luttes et d’esclavage, les vacillantes lueurs d’un âge écoulé.
— Oui, cher ami, ce dieu est le vrai dieu de la vie ; mais suffit-il bien toujours ? N’y a-t-il pas des heures où notre âme inquiète a soif de l’inconnu ? et ne sens-tu pas, en ce moment même, que son souffle nous aspire ? Contemple ce visage immense de la nature, aux yeux et au front voilés, mais aux lèvres