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tairement opprimée par l’étranger. Cette connaissance des faits, qu’acquiert forcément un homme libre de bonne heure de son temps et de sa fortune, donnait à Paul un peu plus de scepticisme que n’en avait son ami. Paul souvent creusait sous les apparences jusqu’à cette roche vive du caractère humain, l’égoïsme. Mais alors il s’entendait reprocher vivement, par son jeune et croyant ami, de se laisser dominer par les réalités passagères plutôt que par ce qui est en puissance, et de juger l’avenir à la trop courte mesure du présent et du passé.

« Egoïsme, soit, disait Ali avec ce regard qui emprunte à des cieux invisibles sa lumière. L’égoïsme nécessaire est une part de la justice ; l’égoïsme vrai, d’ailleurs, n’est pas celui du barbare qui, au sein même de la société, se crée un désert ; l’égoïsme vrai, c’est l’amour.

— Et le plus vrai des amours, c’est l’amitié, » répondait Paolo en pressant Ali sur son cœur.

Jamais, en effet, Paolo n’avait éprouvé un sentiment si pur tout ensemble et si profond. Il se sentait attiré vers ce jeune et beau compagnon avec une ardeur dont la violence l’étonnait parfois lui-même. Il n’avait jamais rencontré jusque-là chez aucun jeune homme, — à cet âge où les instincts règnent, où nos habitudes sociales, après les compressions extrêmes subies dans l’enfance et l’adolescence, lâchent tout à coup la bride aux passions, un esprit si pur, si naïf, en même temps que si réfléchi et si maître de lui-même. L’éducation de la famille avait ici produit des résultats admirables. En préservant Ali des rudesses de l’éducation commune et des corruptions de l’exemple, elle avait, dans le