connaissance des lieux, peu près retrouvé le sentier ; la neige durcie portait presque partout, facilité grande ; les chalets étaient à leur place, et les arbres coupés, l’année précédente, dans le bois voisin, bien qu’enfouis sous la neige, bosselaient encore le sol et pouvaient fournir le chauffage. Il ne restait plus qu’à s’entendre avec le propriétaire, ce que Favre fit le soir même, puis il commença l’emménagement. Ce grand travail était à peu près complet, et Favre était fort satisfait de lui-même, quand Paul et Ali arrivèrent à Grion.
En tout autre pays, cette idée d’aller s’enfermer dans un désert de neige, pour assister, au péril de sa vie, à la chute d’une avalanche, eût paru folle et stupide, et Dieu sait quelles douches d’eau froide l’étonnement railleur des gens, en pareil cas, ferait subir à des enthousiastes. Mais les Anglais, qui se sont chargés à cet égard de l’éducation de la Suisse, ont détruit en germe tout futur étonnement ; et puis, vis-à-vis d’une entreprise qui tend à laisser de l’argent dans le pays, la philosophie suisse possède des trésors de bienveillance.
Si le proverbe fameux « Pas d’argent, pas de Suisse » est trop absolu dans la négation, l’affirmation correspondante est d’une vérité parfaite. Nos touristes hâtifs n’eurent donc à supporter que les doléances de Mme Martin, la maîtresse d’hôtel, qui eût bien voulu les retenir au moins une quinzaine, les assurant que la fonte des neiges n’aurait lieu au plus tôt qu’à la fin d’avril, et que ce serait toujours autant de gagné sur les tortures qu’ils allaient subir dans cet affreux ermitage. Ils partirent cependant ; un des fils de Favre les précédait, avec un