Sur la ligne brunie du sentier qui serpente entre les chalets, pas une silhouette humaine, hors peut-être quelque ménagère, la seille sur la tête, qui se dirige vers la fontaine empaillée, où la glace pend en cristaux. Quant aux hommes, nul travail ne les appelle au dehors ; la neige qui obstrue les chemins ensevelit également sous ses couches les bois et les prés. Elle a couvert le torrent lui-même, dont les flots pétrifiés contre les roches obstinées gardent encore le masque de leur colère et de leur effort, et qui gît dans son lit, immobile, comme un cadavre sous son linceul.
De toutes parts, immenses et profonds, s’étendent ces flots durcis, qui vont en s’épaississant vers les hauteurs, séparant, pour six mois au moins, l’homme du sol terrestre. Le regard cherche en vain dans cette étendue des points distincts ; du lieu où l’on se trouve, jusqu’aux pics les plus éloignés, tout est blanc, sauf çà et là quelques pointes de sapins, quelques dessous de rameaux, que n’a pu recouvrir la neige, et, sous le toit avancé des chalets, l’angle de la façade où s’ouvrent les fenêtres, avec la silhouette à demi neigeuse de l’escalier. C’est là que, sous le même abri, se réchauffent ensemble bêtes et gens. À côté des pièces occupées par la famille, est l’étable des vaches nourricières, principale ressource de l’hiver.
Car le pain est rare sur ces froids sommets ; la pomme de terre le remplace et compose avec le laitage à peu près tout l’aliment de ces montagnards. Les riches, de temps en temps, y ajouteront un plat de choucroute avec un morceau de lard. Mais quel est le toit pauvre, quel est le sommet aride, où