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avec le frôlement mystérieux d’un oiseau de nuit, portant à l’avant une sorte de cône de laine bure orné au sommet de deux yeux humains, et, à l’arrière, enfouis dans un nid de paille, les fruits et légumes qui vont fournir les marchés. L’ardeur du commerce, d’ailleurs soutenue par la chaleur des chaufferettes et celle du vin blanc, rend, malgré le froid, ces marchés abondants et populeux. Puis encore, chaque matin, c’est le traîneau du laitier, qui chemine chargé de grands vases de sapin, au bas desquels s’entrechoquent des seaux de fer-blanc, et conduit par une Suissesse au visage violet, toute emmitouflée de laine bure.

Sur les places publiques, les conscrits s’exercent aux manœuvres militaires. Les représentants du peuple, laboureurs en vacances, délibèrent. Le journal se lit à la veillée, et les publications bibliques de tout format, telles qu’en automne les feuilles mortes, pleuvent et se répandent dans tous les foyers. La choucroute fume sur les tables, les jambons dans l’âtre, et les vapeurs combinées du lait chaud, du café, du thé, du bouilli et des cigares suisses montent en nuages vers le ciel.

Telle est la vie du bord des lacs et des basses vallées, dans ces terrains ondulés, ou ravinés, qu’on appelle si improprement en Suisse la plaine. Mais sur la montagne, dans ces hauts vallons, ces plis, ces combes, où l’homme a suspendu sa demeure, à plusieurs milliers de pieds dans l’atmosphère, tout participe, l’hiver, au calme éternel des cimes voisines ; et, sans la fumée qui s’élève des toits, on pourrait croire le village endormi du sommeil hivernal de la nature.