Une flamme altière, éclatante, brilla dans les yeux d’Ali.
« Non ! Et je renonce à jamais à le connaître, s’écria-t-il.
— Tu es fou, mieux vaut souffrir. Et pourtant…, je souffre, tiens, atrocement. Parle donc. »
Il s’assit en face de son ami.
D’une voix basse et entrecoupée, le visage à demi voilé par sa main, Ali fit le récit de ses deux dernières entrevues avec Rosina, récit que les expressions du narrateur accentuèrent moins que ses réticences. Et, sous l’influence de cette parole douce, grave et pure, supérieure de si haut aux passions qu’elle racontait, si cruelles que fussent pour Paolo ces révélations, il ne laissa échapper aucune parole qui ressemblât à un doute, et ne trahit ses émotions que par des tressaillements et des soupirs. Mais, quand Ali eut cessé de parler, se jetant impétueusement dans ses bras :
« Eh bien ! puisqu’elle t’aime, accepte-la ; je te l’abandonne ! Ali, c’est un bien immense que l’amour d’une pareille femme. Elle te sera fidèle, à toi, peut-être… sans doute. Aime-la !
— Je ne puis l’aimer, dit-il.
— À cause de moi ? Qu’importe ?
— Avant tout, à cause d’elle, répondit-il avec une expression de dégoût que Paolo saisit.
— Eh quoi ! pour t’aimer, tu la méprises ?
— Je la méprise pour t’avoir trahi, pour ses passions sans frein, pour son impudeur.
— Oh ! s’écria Paolo en frémissant, je n’y songeais pas encore. Oui. Te cacher là !… Dans quel but ?… »