livrer, elle était magnifique d’énergie, splendide de beauté. Elle vint s’asseoir à côté de lui.
« Ali, me croyez-vous fausse et perfide !
— Non.
— Quelle opinion avez-vous donc sur moi ? demanda-t-elle impétueusement, déjà irritée par cette laconique réponse.
— Je crois que, puissamment organisée pour le bien comme pour le mal, vous faites l’un et l’autre au gré de vos impressions, parce qu’il vous manque la première de toutes les puissances.
— Ah ! dit Rosina, ce doit être celle de se faire aimer. En effet, je ne l’ai point.
— Non, c’est une conscience éclairée, grâce à laquelle on sait se commander à soi-même.
— Cher moraliste, dit-elle, crois-tu ? Alors, sois ma conscience, toi ; remplace en moi cette absente. Refais-moi une âme ! Le veux-tu ? Quelle plus belle œuvre pour toi ?
— Vous seule, Rosina, le pouvez faire, dit le jeune homme ; je puis seulement tenter de vous y aider, si vous le voulez… en ami, par lettres.
— Par lettres ! s’écria-t-elle ; tu veux me fuir ! non, jamais ! Tu ne sais pas, cher enfant, tu ne sais pas ce que c’est qu’une femme qui aime, qui aime de tout son être pour la première fois. Me fuir !… Hélas ! à quoi bon ? Toi si fort, si chaste, ou si froid, que crains-tu ? »
Rosina se penchait sur lui toute courbée, comme pour l’adorer, mais épiant ses émotions du regard.
« Je ne puis rien craindre, en effet, dit Ali, parce que vous ravir à mon ami est un acte que je regar-