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nail flotte à l’aventure, et sa direction dépend des courants.

— Ah ! cher Ali, ce gouvernail qui consiste dans une croyance ferme, résultat d’un examen libre, sérieux et profond, qui de nous le possède bien ?

— On croit en avoir un, et c’est quelque chose. Cela maintient du moins le caractère dans une direction donnée. En vraie justice, Paolo, je trouve qu’il n’est pas permis aux hommes de se plaindre de la frivolité des femmes, puisqu’elle résulte de l’éducation et des mœurs qu’ils leur imposent. S’ils savaient être justes, ils pardonneraient surtout bien des inégalités d’humeur à ces pauvres créatures qu’ils mettent aux prises avec des contradictions insensées, les forçant de choisir entre le mépris et l’amour d’une part, entre l’abandon et la vertu de l’autre, en y joignant souvent la misère.

— Moi, grand Dieu, méprisé-je Rosina ?

— Ce n’est pas toi qui as fait sa vie. Si tu eusses été son premier amant, ou mieux son époux, peut-être ne serait-elle pas la même. Elle sent peser sur elle en sa qualité de femme, et surtout d’actrice, le poids d’une opinion jalouse, défiante, implacable, qui fait consister dans la chasteté tout le mérite des femmes, en même temps qu’elle donne à leur vie pour seul but, pour seul intérêt, l’amour, et qu’elle arme tous les hommes contre leur vertu. On serait fantasque à moins peut-être. La courtisane, ce bouc émissaire chargé de tous les péchés d’Israël, porte au cœur une haine. Et l’on s’en étonne ! Se voir honnie par ceux mêmes qui vous ont perdue ! vivre écrasée entre deux morales contraires, n’y a-t-il pas