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d’Aline. Ce n’était pas du chagrin, ni même de l’inquiétude, mais un vague émoi, dont elle-même n’eût pu dire la cause.

« En vérité, dit-elle, rien ne se fait avec plus de hâte qu’un mariage, Voici trois mois à peine que j’ai vu pour la première fois M. Larrey…

— Trois mois ! Mais alors, chère enfant, toutes les limites permises sont dépassées, Est-il acceptable de s’être connu pendant trois mois avant de s’unir ? Où avais-je l’esprit ? C’est que je suis comme toi, je ne demande qu’à attendre. Mais nous agissons en excentriques, et le monde nous blâmera.

— Il aura tort, dit la jeune fille avec un doux regard en prenant la main de son père.

— Ne me séduis pas, ma fille ; nous ferions des folies à nous deux. Moi, je ne désire, tu le sens bien, que de continuer mon rôle ; mais il ne faut pas que ce soit aux dépens de ta réputation et de ton bonheur.

— Et comment se peut-il ? »

Elle s’arrêta pensive.

« Je ne puis comprendre, reprit-elle au bout d’un instant, comment des usages, qui me semblent dénués de toute raison, se font obéir des gens les plus éclairés, par cela seul qu’ils sont les usages.

— C’est que tu es dans cette erreur, bien excusable à vingt ans, de croire que les gens éclairés sont raisonnables.

— Et comment et pourquoi ne le seraient-ils pas ? »

Le vieillard fit un geste qui signifiait : Tu m’en demandes tant ! Et la regardant avec un sourire demi-tendre et demi-railleur :