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— Ali, je ne comprends pas celle que j’aime. Je puis l’étreindre, mais ne puis la saisir ; elle m’échappe sans cesse. Ah !… Je la crois noble et grande ; mais ces orages qui à tout propos, hors de propos surtout, viennent ébranler notre amour, comme pour en éprouver la solidité, me font mal… Car il n’est pas bon, vois-tu, de remettre ainsi en question sans cesse les choses jurées, de discuter ce qui devrait être sacré. Cependant, elle m’aime et je l’adore. La femme est un être bien étrange, Ali !

— Tu crois ?

— Ne le vois-tu pas ? Tu la connais. Elle t’aime. Comment juges-tu cet être, à la fois si divin et si bizarre ? Est-ce moi qui ai tort ? Dois-je bénir comme marques de sa faveur les coups dont je saigne ? Est-ce une fantasque ou une inspirée ? Dois-je me soumettre ou me révolter ?

— Toi seul en peux décider.

— Jamais, dit Paul avec un peu d’impatience, jamais je n’obtiens de toi sur ce sujet que des paroles entrecoupées, des réticences. Pourquoi ? Tiens, il me semble que tu n’as jamais accepté cet amour et que tu lui es hostile secrètement.

— Tu te trompes, répondit Ali d’une voix pleine de mélancolie, j’ai accepté cet amour.

— Alors, qu’en penses-tu ? Que penses-tu d’elle ? Parle. Dans le trouble où je suis, j’ai besoin que ta pensée raffermisse la mienne.

— Rosina est une riche nature, mais tout instinctive. Elle est ce que la société veut que soit la femme, irréfléchie, et faisant consister sa gloire et son charme à l’être. Un navire dépourvu de gouver-