regards qu’elle échangeait avec son amant. Couchés tous les trois à l’ombre des saules et devisant, elle, ne parlait que d’amour, y ramenait sans cesse l’entretien, provoquait Paolo par de langoureuses coquetteries, se jetait dans ses bras et baisait ses lèvres.
Elle était, d’ailleurs, dans ce rôle d’amante, la volupté même, et ce qu’une autre eût pu faire chastement recevait d’elle un tout autre caractère. Très-belle de formes, tous ses gestes semblaient avoir pour but de révéler cette beauté, par une habitude acquise sans doute et devenue presque naturelle. Dans quelques entretiens qu’elle eut seule avec Ali, elle sut lui faire d’étranges confidences.
Le jeune homme cependant restait calme, imperturbable ; mais au tressaillement presque imperceptible de sa lèvre, à l’abaissement subit de sa paupière, un observateur plus expert que Rosina eût deviné le froissement intérieur.
Après l’affaire du comte Melina, l’affection de la cantatrice pour Ali s’exalta de mille inquiétudes. Elle voulut que Paolo ne le quittât plus dans la rue ; elle exigea qu’Ali vînt chaque jour la rassurer par sa présence ; une ou deux fois elle courut chez lui. Tout cela très-ouvertement et d’une innocence bruyante. Naturellement très-expansive, elle embrassait volontiers, hommes ou femmes, ceux qui vivaient dans son intimité. Elle embrassait donc Ali souvent, et même fréquemment le tutoyait. Ces familiarités, qui de toute autre eussent paru suspectes, étaient dans les allures de cette nature libre, soudaine, passionnée, qui n’était cultivée et spirituelle qu’à ses heures de raffinement.