prophète Ali ! cria Donato en levant son verre. Il a raison le plaisir est la loi de tous les êtres. La vertu est un martyre insensé. La chasteté chrétienne, si la vie pouvait mourir, eût tué la vie. En attendant, elle a déformé l’homme, enlaidi la femme, attristé la terre ; elle y a semé l’épine à la place des fleurs ; elle a rétréci l’âme en condamnant l’expansion, loi sacrée de l’être et de la nature. C’est elle qui a créé le mystique, ce fanatique de la chimère, qui tient la privation pour vertu, le renoncement pour joie, le néant pour vie. Les païens, du moins, ne plaçaient Tantale qu’en enfer, et Tantale n’était qu’une ombre. Image, après tout, bien affaiblie de ce Tantale chrétien en chair et en os, martyr volontaire, misérable ascète, qui repousse l’amour, le plaisir, le vin, la bonne chère et la beauté, pour se repaître de visions creuses. — Ainsi donc buvons à cet heureux temps, prédit par M. de Maurion, où nous ne trouverons plus de cruelles, où la bacchante sous les pampres et Galathée derrière les saules ne fuiront plus nos baisers ; au règne des temps d’Ovide sur toute la terre !
— Non ! dit Ali : Au règne de l’amour libre et pur ! au règne des joies qui élèvent, non des plaisirs qui abaissent ! à l’éternelle pudeur ! »
Ainsi debout, tenant son verre, éclairé par les feux tombant du lustre, beau, jeune, pur, les yeux et le front rayonnants d’un suprême éclat, il parut sublime.
Il y eut des murmures, des applaudissements, et chez la plupart des convives, des regards et des sourires d’étonnement. De la place où il était, Paul Villano, en applaudissant des mains, cria :