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cette historiette à Léon, et je vous la raconte à vous, rencontré d’hier. Vous voyez que mes souvenirs ne sont pas gênés par votre présence. »

Pendant ce récit, le jeune de Maurion avait gardé une attitude embarrassée. Après que Paul eut cessé de parler, il resta silencieux un instant encore ; puis il lui tendit la main, en baissant les yeux toutefois, et l’on eût dit avec une sorte de souffrance.

« Je vous assure, reprit Paul, que ce souvenir a pour moi mille fois plus de charmes que si j’avais cédé à mon égoïste désir. Le soir même, en me promenant là-bas, de l’autre côté, vers l’Avençon, les impressions que je savourais dans ma conscience satisfaite étaient moins vives, sans doute, qu’elles ne l’eussent été sous les mélèzes ; mais cent fois plus douces et plus hautes. Les stoïciens ont raison en ceci la privation volontaire, dans un noble but, a des joies supérieures à celles de la jouissance. Le bonheur, en effet, est peut-être la vertu. Vous ne souriez pas, jeune homme ? Bien… C’est qu’on a pris l’habitude, en notre temps, de tout passer au fléau de la plaisanterie spirituelle, ce qui aplatit bien des choses. — Ce n’est pas que Léon ne soit un charmant garçon, désopilant parfois, et un aimable compagnon de voyage. Il a le ton d’une époque de doute, où toute affirmation court le risque d’être raillée, où la plaisanterie seule, douteuse elle-même, échappe à l’écueil. »

Ils étaient arrivés à un endroit où le sol, creusé comme une coupe, se trouvait par sa nature, à cette hauteur même, marécageux. Tout cet espace était couvert de plantes dont la tige, haute d’environ