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derrière les vieux murs en ruines

Allégresse des fleurs dans la lumière et dans l’azur !… des rameaux très blancs, balancés par la brise, qui papillonnent sur le ciel !… des boiseries multicolores, des treillages, des petits pavillons aux couleurs vives, des superbes oiseaux dont la somptuosité s’unit si parfaitement à celle du décor, et qui réussissent, — comme ce palais, — à faire de la beauté avec de trop insolentes splendeurs !

Savent-ils, ces paons, qu’ils sont bleus, au paroxysme du bleu, du même bleu que les balustrades extrêmement bleues, et que l’incroyable bleu profond du ciel ? Ont-ils conscience de leur harmonie, en ce beau jardin artificiel et passionné, lorsqu’ils vont boire aux bassins cerclés de mosaïques et qu’ils font la roue, sous les arcades, auprès des portes où miroitent autant d’ors et de rayonnantes magnificences que les leurs ?

Savent-elles, ces belles recluses, chargées de bijoux et de soieries, accroupies dans l’ombre des salles, savent-elles, ces négresses qui circulent, portant à bras tendus les corbeilles de fruits ou les plateaux de cuivre, l’accord qu’elles forment avec toutes choses de leur demeure ?

Et celui qui voulut cet ensemble, qui mit ces femmes et ces oiseaux dans le jardin, qui allia le désordre des parterres à la précieuse recherche des boiseries et des vasques, Si Ahmed Jebli, sait-il quel chef-d’œuvre il réalisa ?