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derrière les vieux murs en ruines

Isthir s’acquitte de sa tâche avec une aisance pudique de très bon goût. Elle parle un français sans accent, car elle fréquente l’école et prépare son certificat d’études.

— Ma fille a treize ans, dit le rabbin, elle se mariera bientôt. Nos coutumes ont bien changé depuis quelques années. De mon temps, les fillettes ne dépassaient pas huit ans avant que soient célébrées leurs noces. Aujourd’hui, on les laisse grandir chez leurs parents.

Le fiancé est ce jeune Israélite en bottes et veston, très francisé, assis sur une chaise, alors que nous sommes tous accroupis selon les anciennes mœurs.

Après le mariage, le couple compte aller en France faire du commerce.

— Cela ne vous ennuie-t-il pas de quitter Meknès ? demandé-je à la fillette.

— Oh ! non, madame, je serai contente de voyager.

Dans dix ans, ils feront, à Paris, un ménage très sortable ; leurs enfants flirteront dans les salons et suivront des conférences à la Sorbonne.

Trop longtemps et durement opprimés, les Juifs marocains s’élancent à présent vers la liberté. Malgré l’abjection d’une race pourrie par tous les vices, les débauches, l’ivrognerie, les mariages précoces et consanguins, la plus basse des servitudes, ils ont gardé l’intelligence et les qualités