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derrière les vieux murs en ruines

Une discussion s’engage. Obséquieuse, mais tenace, la Juive ne veut pas lâcher un réal… Après bien des pourparlers, un arrangement se conclut pourtant.

Dehors, nous retrouvons notre escorte qui s’est beaucoup augmentée. Un gros homme ventripotent, ceint d’une écharpe en soie bariolée, nous sollicite : « Ferons-nous au rabbin l’honneur de visiter sa maison ? »

À notre réponse condescendante, Tôbi ben Kiram se redresse. Il nous entraîne à travers les ruelles les plus encombrées ; je le soupçonne de vouloir exhiber sa bonne fortune à toute la Communauté. On se bouscule dans le souk, des gens font la queue devant les étaux de bouchers qui s’ornent de poumons rosâtres et mous. Une fade odeur de sang se mêle aux relents d’ordures dont on est poursuivi ; des trognons de choux, des légumes écrasés gisent à terre ; les individus exhalent une senteur caractéristique. Des vieilles promènent leurs jupes couvertes de broderies, et leurs châles d’un vert malsain ; de malingres fillettes, aux cheveux embroussaillés, plient sous le poids des couffes trop remplies ; des adolescents, des vieillards coiffés du traditionnel foulard jaune, des femmes chargées de marmots morveux, se poussent et se dépassent…

Il n’y a pas ici de ces quartiers paisibles qui s’endorment dans le soleil. Une population trop dense étouffe entre les murs dont elle ne saurait