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derrière les vieux murs en ruines

Enchantement exquis et mystérieux de cette demeure, auquel on n’est pas préparé. Des reflets miroitent sur les murs revêtus de mosaïques, sur les ors des plafonds ciselés et peints, sur les dalles de marbre, si polies qu’elles semblent mouillées. Ils dansent en étincelles opalines au sommet du jet d’eau. Chaque gouttelette est piquée d’un reflet vert par la lune, et d’un reflet orange par la lumière des flambeaux.

Une foule d’esclaves s’empresse à nous servir. Elles apportent le thé à la menthe et les parfums, avec un luxe princier d’argenterie. D’énormes plats de Fès, aux bleus rares, des coupes de Chine et d’autres en cristal, remplies de gâteaux, de noix, de dattes, sont disposés sur une mida[1], que recouvre une soie émeraude brochée d’or. Et l’on nous verse aussi du lait d’amandes, du sirop de grenades et du café à la cannelle.

Le Chérif, nonchalamment accroupi parmi les coussins, dirige les négresses d’un signe ou d’un clignement d’œil. Elles ne passent devant lui qu’humbles, les bras collés au corps, la tête basse, dans une attitude de respect infini et de crainte. Mais leurs croupes rebondies, ondulant sous le caftan, leurs faces rondes et luisantes, leurs bras vigoureux, attestent la richesse d’une maison où l’abondance règne…

Toutes choses de ce palais, comme en un conte

  1. Mida, petite table ronde et très basse.