Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
derrière les vieux murs en ruines

Nous pénétrons avec notre guide en une pauvre maison où flotte un parfum d’égout. Des femmes accroupies confectionnent les passementeries dont les Musulmans ornent leurs caftans. Les ustensiles les plus divers traînent autour d’elles ; un marmot piaille sur son petit pot ; des guirlandes d’oignons et de piments sèchent, accrochées aux murs. Une fillette gît dans un coin, chétive et pâle, si pâle qu’on dirait une moribonde. Des essaims de mouches voltigent et la tourmentent. Ses yeux en sont cernés comme d’un kohol répugnant. Personne ne s’occupe d’elle, mais une tasse ébréchée, pleine de liquide, a été mise à portée de sa main.

— Elle est bien malade ! disons-nous.

— Ce n’est rien, répond une femme, elle a enfanté il y a quelques jours…

Mon mari marchande le tapis, un vieux Rabat, aux points serrés, d’une harmonieuse décoration. Il est beaucoup plus grand que la chambre, et il faut le déployer dans la cour.

Depuis des années, explique la Juive, le Musulman, qui l’a mis en gage chez mon père, ne paye plus les intérêts ; nous voulons vendre ce tapis.

— Combien en demandes-tu ?

— Cinquante réaux.

— C’est trop ! Fais un prix raisonnable.

— Par l’Éternel ! il nous garantissait de cette somme.