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derrière les vieux murs en ruines

Sur l’ordre de Lella Fatima Zohra, les esclaves ont apporté ses coffrets. La vieille Cherifa, en femme de traditions, résiste aux nouvelles coutumes. Ce ne sont point des boîtes européennes, vulgaires et prétentieuses, selon le goût d’aujourd’hui, mais d’anciennes cassettes peintes, rehaussées de clous aux dessins réguliers, incrustées d’ivoire ou de nacre.

Elle en tire d’invraisemblables bijoux : des colliers en grosses perles de filigrane, d’où pendent trois rosaces d’or, constellées de pierreries ; des plaques précieuses et lourdes, d’une allure toute byzantine ; des émaux rutilants comme des flammes figées ; des boucles d’oreilles dont le chaton d’émeraude se ferme d’un petit couvercle en or perforé, afin qu’on y puisse enclore les parfums qui tomberont goutte à goutte sur les épaules…

Est-ce croyable ? Tant de parures, et si merveilleuses, à une vieille femme, dédaignée de son époux, et qui ne les porte jamais !… Un trésor où la perfection du travail rivalise avec la valeur des pierres.

Lella Fatima Zohra me fait constater leur splendeur désuète.

— Ce sont, ô ma fille, de très vieilles choses, passées de mode. Elles appartinrent à la sultane Aïcha Mbarka, aïeule de Mouley Hassan. J’en fus parée moi-même dans ma jeunesse, et s’il plaît à Dieu, je t’en prêterai lorsque tu iras à des fêtes,