Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
derrière les vieux murs en ruines

Mâati n’est pas méchant, mais, quand il se met en colère, il ne mesure pas les coups. On le craint ! L’autre jour, la fille de cette femme a cassé la théière. Mon père rentre : « Qui l’a brisée ? » dit-il.

» Elle répondit : « C’est Rabha. »

» J’étais innocente, mais la femme dit aussi : « C’est Rabha », et j’ai mangé du bâton… Je me tus et cherchai en ma tête. Ce matin, quand mon père revint, je lui appris : « Écoute, ces femmes se moquent de toi ! En ton absence, elles font venir des hommes et se réjouissent avec eux. Il en reste toujours un, à la porte, pour signaler ton retour, c’est pourquoi tu ne les surprends jamais. » À ces mots, l’œil de mon père devint rouge. Il a battu la femme et la fille jusqu’à ce que son bras fût fatigué… Alors, j’ai dit : « C’est bien ! Vous m’aviez fait battre pour une faute que je n’avais pas commise, je vous ai fait battre pour ce que vous n’aviez pas fait. » Mon père a ri extrêmement !…

— Mais ces femmes, ô pauvrette, ne pensais-tu pas à leur rancune ?

— Qu’importe ! Maintenant elles me craignent, et, si je reste ici, qu’ai-je à faire avec elles ?

Rabha jubile encore de sa ruse !… C’est une toute petite fille, frêle et douce, qui paraît six ans à peine.