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derrière les vieux murs en ruines

Inconsciente nostalgie de l’espace…

Les fleurs s’étiolent à l’ombre des orangers ; les fruits mûrissent avec peine ; un jet d’eau s’élance au-dessus de la vasque, d’un effort désespéré pour échapper à l’oppressante angoisse du jardin. Mais le ciel est loin, très haut, par-dessus les vieilles murailles que le regard ne franchit point. Et la plainte de l’eau raconte une éternelle déception…

Elles prennent le thé sous les arcades, lentement, à petites gorgées, et elles disent de vaines paroles insignifiantes, sans penser à rien. Elles ont mis leurs caftans de brocart, leurs sebenias multicolores et leurs turbans les plus volumineux. Mais elles sont de trop noble caste pour monter aux terrasses et les voisines n’envieront pas ces parures.

Un merle sautille dans les branches en les contemplant de son petit œil jaune et rond qui s’étonne. Pourquoi ces lourdes soieries ramagées d’or, ces fards, ces bijoux somptueux, puisque nul ne doit les contempler que le maître, toujours le même, un vieillard détaché des choses de ce monde !… Le saint homme est parti dès l’aube, à la mosquée, faire ses dévotions.

Elles étalent les plis de leurs caftans et s’immobilisent, les mains, rougies au henné, rigidement posées sur leurs genoux. Elles se sentent belles ; — c’est la fête. Elles en ont parlé depuis bien des jours et l’attendaient avec impatience.

Mais les heures sont lentes à passer… Elles ne